Olympe travaille avec La Balle Aux Prisonniers (LaBAP). Thierno oeuvre dans l’association Pour le Sourire d’un Enfant (APSE) qui a créé la méthode Escrime et Justice réparatrice, validée par le Congrès européen de la psychologie du sport (2015) reconnue par l’UNESCO (2018) et double lauréat Global Sport Week (2019 & 2021). Ils se sont rencontrés en Côte d’Ivoire au cours d’une mission à laquelle l’APSE était conviée afin d’apporter son expertise. Les deux porteurs de projets financés par le programme Sport & Développement expliquent les bienfaits de la pratique sportive dans le cadre de leur action socio-éducative. Extraits.
Thierno Diagne a 55 ans. Il est marié et père de trois enfants. Thierno a rencontré Pour le Sourire d’un Enfant en 1998, en tant qu’animateur auprès des jeunes dans l’école de rue mise en place par l’association dans un quartier de Thiès (Sénégal), caractérisé pour sa grande précarité économique et sociale. Aujourd’hui, Thierno est éducateur de la méthode Escrime et Justice Réparatrice et coordinateur local de l’association dont la marraine est Astrid Guyart, escrimeuse olympique et secrétaire adjointe du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF).
Olympe Konan De Simon a 43 ans. Il est marié et père d’un enfant. Olympe a participé à l’implantation en Côte d’Ivoire de La Balle Aux Prisonniers il y a six ans, fruit d’une rencontre avec Lionel Grassy et Nicolas Huet entre activisme en faveur des droits de l’Homme et passion pour le sport. Il est désormais coordinateur national de LaBAP en Côte d’Ivoire.
Quelle est la spécificité du volet sport de votre action ?
OLYMPE – Le sport pratiqué est souvent en fonction de la spécificité de la prison dans laquelle on intervient. Cela peut être du football, du volley, du basket, du fitness, du taekwondo… Pour cela, nous travaillons avec des éducateurs sportifs. En complément nous formons à des activités génératrices de revenus : pâtisserie, couture, cuniculture, esthétique…
THIERNO – Nous avons mis en place la méthode Escrime et Justice réparatrice dont l’objectif est de favoriser l’apprentissage des compétences de vie et d’offrir les conditions d’un développement personnel positif qui stimule l’autonomisation des jeunes, encourage l’égalité entre les sexes et permet de rompre avec le cycle de récidive. Cette méthode, développée par des éducateurs, des psychologues et des professionnels sportifs en étroite collaboration avec l’administration pénitentiaire du Sénégal, mobilise l’escrime comme procédé psychothérapeutique en détention, par le travail sur le contrôle de soi, le sens de la responsabilité, l’identité, la socialisation et l’acquisition d’habiletés motrices et techniques.
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Que peut apporter le sport dans un processus de réinsertion ?
THIERNO – Les mineurs avec lesquels nous travaillons sont en situation de conflit avec la loi. La méthode Escrime et Justice réparatrice vise à ce qu’ils deviennent responsables (être au service des autres en assumant ses responsabilités). Ils combattent en autoarbitrage : celui qui est touché doit lever la main pour signifier ; l’arbitrage permet ainsi de développer le respect des autres et de soi-même, et donc l’honnêteté. Les séances d’escrime se passent hors de la prison. L’association a construit une salle d’escrime. C’est important dans leur esprit : c’est à ce moment-là, dehors, qu’il se passe quelque chose de fondamental dans la relation à l’autre, à l’adulte (l’éducateur, le surveillant de prison, notamment).
OLYMPE – Le sport permet de briser la méfiance et de pénétrer plus facilement le milieu des détenus. C’est un moyen non brutal pour passer des messages, notamment sur la socialisation et la valeur de la discipline. Ce que nous voulons aussi, c’est que tout le monde bouge au moins une heure par jour pour contrer le manque de mobilité dans les prisons, qui entraine des pathologies.
Quels sont les résultats observés ?
OLYMPE – Les cours sont très suivis, on peut se retrouver avec 200 personnes pour une séance de fitness. Aujourd’hui, on fait des formations avec le Playlab, une méthode innovante pour apprendre le sport. Mais le plus grand enjeu reste le suivi du prisonnier : notre vision, c’est qu’il puisse s’insérer.
THIERNO – Depuis 2015, plus de 500 mineurs ont bénéficié de la méthode Escrime et Justice réparatrice. Aucun n’a récidivé, y compris celles et ceux qui étaient précédemment multirécidivistes. L’évolution de leur comportement a également un impact sur les autres mineurs incarcérés qui ne pratiquent pas l’escrime ; les relations sont régulées dans le quartier mineurs. Aujourd’hui, nous travaillons au déploiement de la méthode Escrime et Justice réparatrice à l’échelle nationale et internationale. Une Académie d’Escrime et Justice réparatrice est en cours d’installation.
Propos recueillis par Myriam Bessibes